Histoire des frères Moreau


Les oiseaux pris dans les rafales de vent se rétablissent d’instinct dans les airs grâce au fonctionnement automatique de leur queue

Voici quelle fut la première conclusion d’Albert Moreau après une longue étude du vol des oiseaux. Les ‘frères Moreau’ n’eurent dès lors de cesse, d’appliquer ce principe à un engin volant dans les premières années du 20e siècle. Malgré ses revenus modestes (il est alors ouvrier), il poursuit ses recherches et ses expériences, aidé par son frère André, qu’il surnomme affectueusement son génial « matelot mécanicien ».

L’autostable

Vols d’essais

En 1911, ils s’installent à Quincy sous Sénart dans un hangar situé à coté de l’actuelle mairie et y mettent au point  un système très ingénieux mais incroyablement simple, une technique, révolutionnaire et nouvelle qui permet de donner au monoplan une stabilité automatique longitudinale, le siège du pilote formant un pendule et l’aviateur en étant la masse; ce système pendulaire apportant une stabilité latérale et longitudinale sans précédent !  Ce qu’il est convenu d’appeler le premier appareil à système pendulaire est en fait le véritable ancêtre du pilote automatique : l’Autostable. Cet appareil, concentré de technologie, construit sur un fuselage en tubes d’aciers avec une large queue triangulaire lui donnant la forme des pigeons qu’Albert Moreau avait tant étudié. D’une envergure de 12 mètres, d’une longueur de 9 mètres et d’un poids à vide de 500 kg, le petit moteur de 40 chevaux équipé de son hélice de 2,4 mètres de diamètre à bien du mal à propulser l’avion. Cependant, Albert Moreau ne laisse pas le manque chronique d’argent le décourager et parvient à effectuer un premier vol d’essai le 4 Avril 1911, s’élançant de la prairie de Quincy il rejoint Melun puis Tigery à l’altitude de 150 mètres pour revenir se poser sans encombre à Quincy.

Une aile en préparation à l’atelier

Suite à d’autres essais fructueux comme le parcours de Combs-la-Ville à Montargis (75 km à 300 mètres d’altitude), le 17 Mars 1912 les frères Moreau reçoivent de la ville de Quincy une subvention de 25 Francs afin d’encourager un aviateur, constructeur, inventeur jugé très méritant. Cet argent leurs permet de construire une version améliorée de leur appareil, équipé d’un moteur Gnome & Rhone plus puissant propulsant l’avion à 95 km/h. Le 4 Octobre 1913, maintenant installés à Melun, ils présentent l’autostable au prix Bonnet organisé par Ligue Aérienne Nationale l’objectif de ce concours / démonstration étant de parvenir à voler 20 km sans que le pilote n’ait à toucher le manche. Les frères Moreau remportèrent le prix, cependant le règlement du prix Bonnet bien que très clair quant à l’interdiction d’utiliser les mains pour contrôler l’avion était beaucoup plus flou quant à l’utilisation de la dérive actionnée avec les pieds, ce qui fit dire à Mr Charles Lafon, observateur officiel durant le concours: « Le pilote vola vingt-cinq minutes les bras croisés. Ah! Certes, le problème de la stabilisation automatique n’est pas résolu, car Moreau travailla dur avec ses pieds, non seulement pour faire les virages, mais aussi pour corriger la trajectoire. »

Fort de ce succès, les frères Moreau présentent leur appareil au salon de l’aéronautique de Paris sur le stand de « l’Emaillite armée » un revêtement d’ailes composé d’un vernis d’acétate de cellulose offrant tous les avantages que l’on pouvait attendre d’un revêtement: Solide, léger, imperméable à l’eau, insensible aux essences et aux huiles, ininflammable et si lisse qu’il offre une faible résistance à l’air. De plus l’avion est présenté avec une version de ce revêtement translucide ce qui attire les représentants de l’armée, intéressés par cet « appareil invisible » …L’armée et les plus grands constructeurs d’avions de l’époque commencent à s’intéresser à leurs inventions. Albert Moreau mettra au point quatre Autostables pour les inspecteurs de l’armée et des grands noms civils ou militaires voleront à ses côtés.

Autostable au salon de Paris

Albert Moreau ne fera jamais fortune, refusant un contrat britannique pourtant fort alléchant. Mobilisé en 1914, à l’âge de 46 ans comme sergent aviateur, Albert Moreau est rapidement rendu à la vie civile alors que son frère André reste sous les drapeaux. Albert reprend ses recherches mais le 18 mai 1915, alors qu’il évolue pour un vol d’essai à 300 m d’altitude dans le ciel de Melun, il perd le contrôle de son appareil et meurt en s’écrasant près de la voie ferrée.

Pionniers de l’aéropostale

Des grands noms auront volés à ses côtés puisque ses mécaniciens étaient René Bodin qui devint le second as des missions spéciales après Védrines à la MS12 et René Vicaire qui n’était autre que le mitrailleur du même Védrines sur la fameuse « Vache » en septembre 1914.

L’autostable aura donc été le premier appareil équipé d’un pilotage automatique, un des premiers drones suite à un essai de vol sans pilote en 1915 et les frères Moreau des pionniers de l’aviation et de l’aéropostale.